Taoufik Jebali

Né en 1944 à Ksar Helal. Il est comédien, metteur en scène et auteur dramatique. Ce fils d’instituteur qui a fait ses études en Tunisie et en France se dit autodidacte, car il estime que le théâtre ne s’apprend pas à l’école. Celle-ci peut, selon lui, former des médecins, des ingénieurs ou des enseignants, mais en aucun cas elle ne peut former des artistes.

Taoufik Jebali a collaboré avec la compagnie du Nouveau Théâtre avant de fonder avec Raja Ben Ammar et Moncef Sayem le Théâtre Phou qui est en lui-même tout un programme (théâtre fou bien sûr, mais aussi théâtre du verbe, le terme « phou » voulant dire « bouche » en arabe). Il a par la suite tenté l’expérience de la maison de production, de diffusion et d’édition en s’associant avec Mohamed Driss et Raouf Ben Amor autour d’un projet baptisé Sinemmart. A partir de 1987, il a décidé de faire cavalier seul en ouvrant à Tunis l’espace El Teatro qui comporte une salle de représentations, un carré d’art et d’essai et une salle d’expositions.

Il s’intéresse également au cinéma. Il a notamment joué dans Aziza de Abdellatif Ben Ammar et écrit les dialogues de Halfaouine de Férid Boughedir.

Marqué par la vague de la création collective, il a coécrit Kacem-Azez (1973) avec Mohamed Driss, L’Héritage (1978) avec le Nouveau Théâtre et Ichkabad (1982) avec Raja Farhat. Mais c’est par les saynettes et les pièces dont il est le seul signataire qu’il a acquis une notoriété nationale et internationale. En effet, Jebali est, comme Driss, Jaïbi, Jaziri, et bien d’autres, auteur d’un théâtre d’acteur qui subordonne tous les éléments utilisés aux exigences de la scène. Toutefois, son écriture se distingue par le recours à deux types de composition ou plutôt de décomposition : le théâtre-flash et le théâtre fragmenté.

Appartiennent au théâtre-flash les sketches monologués ou dialogués qui démasquent une situation insolite, un personnage peu banal, un lieu commun ou un espace étrange. Quant au théâtre fragmenté, il est perceptible dans le travail de déconstruction que l’auteur fait subir aux textes dont il s’inspire (Dialogues d’exilés de Brecht, Paradoxe sur le comédien de Diderot, Othello de Shakespeare...) et à ses propres textes dans leur forme initiale (Femtella, texte transformé par gommages successifs en non-texte, représente l’expérience limite de cette démarche).

Une atmosphère étrange

Un mouvement de déconstruction-reconstruction traverse aussi bien les textes courts de Tamthil Klem et Klem Ellil que les textes longs de Mémoires d’un dinosaure, Présent par procuration, Weilon, Othello et Contre X. Les thèmes récurrents dans ces pièces rendent compte des préoccupations essentielles de Taoufik Jebali. Celui-ci soumet constamment le vécu à un regard critique en débusquant les travers du quotidien. Les interrogations relatives à l’identité font également partie de ses soucis majeurs. Mais ce que Jebali veut surtout signifier à l’aide du jeu de mots et de l’oxymore, c’est une invitation à la réflexion sur la condition d’artiste et une mise en évidence des obstacles qui constituent un frein à l’expression de soi et à la communication. Le « klem » (la parole) acquiert de ce fait une importance capitale et engendre, dans sa relation discordante avec une scénographie qui détone, une atmosphère d’inquiétante étrangeté. La quête de la communication étant tributaire des mutations sociales, Taoufik Jebali a opté pour un théâtre résolument expérimental qui rejette les limites imposées par les moules et qui interroge constamment le contexte dans lequel il évolue et les pratiques artistiques qui fonctionnent par rapport à l’horizon d’attente.

C’est dans cette optique que se situe sa relecture des œuvres appartenant au répertoire universel et qu’il se définit par rapport à des auteurs tels que Shakespeare, Diderot et Brecht.

Par Hamdi HMAIDI